En 2012, le
congrès américain sur le cancer (ASCO 2012) avait été marqué par la
présentation de médicaments capables de "remobiliser" le système
immunitaire pour qu’il s’attaque à des mélanomes, des cancers du rein ou du
poumon très avancés. Cette année encore, cette nouvelle génération de molécules
d’immunothérapie offre des résultats prometteurs face à diférentes tumeurs. Des
données qui restent cependant préliminaires.
Chimiothérapie :
Nouvelle voie de
recherche, de nombreux composés capables de mobiliser le système immunitaire
contre le cancer sont présentés lors du congrès de l'Asco 2013.
Remobiliser les
défenses naturelles de l’organisme contre le cancer
Face aux
cellules cancéreuses, nos défenses naturelles envoient les lymphocytes T (les
globules blancs qui aident aussi à lutter contre les infections). Mais après un
certain temps, ces soldats de notre système immunitaire vont exprimer à leur
surface une molécule appelé PD-1. Cette molécule va interagir avec une autre
trouvée à la surface des cellules cancéreuses appelée PD-L1. Le hic est que la
rencontre de ces molécules va rend l'armée des lymphocytes T totalement
inutile.
Pour éviter
cette démobilisation des lymphocytes T, il faut donc réussir à bloquer ces
molécules avant leur rencontre. Les chercheurs fondent ainsi beaucoup d’espoirs
sur des anticorps dirigés contre PD-1 ou PD-L1. Lors du congrès américain sur
le cancer ASCO 20121, une étude concernant un anti-PD1 développé par le
laboratoire Bristol-Myers Squibb avait fait l’objet de deux publications dans
le New England Journal of Medicine2,3. Un anti-PDL1 développé par le même
laboratoire avait également été remarquée4. Cette stratégie d’immuno-oncologie
intéresse de nombreux laboratoires, comme en témoignent les très nombreuses
études présentées lors du congrès 2013 de l’ASCO... et les analyses
d'investisseurs économiques qui évalue le marché potentiel de ces médicaments à
35 milliards de dollars
Des effets
prometteurs sur différents types de tumeursParmi ces annonces, un anti-PDL1
baptisé MPDL3280A développé par Genentech a été testé sur 140 patients atteints
de tumeurs solides localement avancé ou métastatique dont la maladie avait
progressé malgré les traitements antérieurs5. Injecté en intraveineuse toutes
les 3 semaines, ce traitement a entraîné une réduction de la tumeur chez
certains patients atteints d'un cancer non à petites cellules du poumon, d’un
mélanome, d’un cancer du rein (carcinome des cellules rénales), d’un cancer
colorectal et d’un cancer gastrique.
Dans le détail,
29 des 140 (21 %) patients ont connu une réduction tumorale importante, un
effet observé plus fréquemment chez des patients atteints de cancer du poumon
et de mélanome. L'étude est encore en cours : selon les auteurs, 26 des 29
patients continuent de répondre après 3 à 15 mois.
En analysant les
tumeurs, il apparaît que les réponses thérapeutiques sont meilleures sur celles
avec des niveaux élevés d'expression PD-L1 (36 % chez les patients
PD-L1-positifs contre 13 % chez les patients PD-L1-négatif). Mais le rôle de
"PD-L1" en tant que biomarqueur (permettant de prévoir l'efficacité
du traitement en fonction de la biologie de la tumeur), les méthodes pour le
mesurer, la nature des échantillons utilisés… sont autant de points qui restent
à élucider. Il est difficile de savoir si un résultat négatif au test PD-L1
veut dire que les tumeurs n'en ont pas ou plutôt n'en ont pas un nombre
suffisant pour que le test puisse le détecter, mais des progrès sont en cours6.
Des effets
secondaires à surveiller
La sécurité de
ces traitements a été évaluée sur 171 patients par les auteurs qui rapportent
que 43 % ont connu des effets secondaires importants (grade 3-4),
principalement une hyperglycémie (5 %), de la fatigue (4 %) et une augmentation
des taux d'alanine aminotransférase (3%). Selon les auteurs, seuls 13 % de ces
effets indésirables étaient attribuables au traitement (aucun décès n’était lié
au traitement). Seuls 2 % (4 patients) ont expérimenté des effets indésirables
liés à l’immunité et un seul patient a arrêté le traitement à cause de cela.
"Nous n'avons pas vu de pneumonie de haut grade, ce qui nous rend très
optimiste à propos de ce médicament, car il cible uniquement le PD-L1, et
n’entraîne probablement pas certains des mécanismes liés à l’inflammation du
poumon" déclare le Pr Herbst. "Nous avons vu quelques épisodes
d'hépatite et d'inflammation du foie, mais vraiment, c'est un profil de
toxicité très modéré".
La toxicité de
certains composés d'immunothérapie (au niveau pulmonaire notamment) fait
l'objet d'une attention particulière, leurs conséquences pouvant s'avérer
fatales. Il faudra attendre la publication de cette étude dans une revue de
référence pour avoir accès à l'ensemble de ces données.
Des résultats
préliminaires qui demandent confirmation
Actuellement,
cette étude a été élargie à d’autres types de tumeurs solides et de cancers du
sang (275 patients sont actuellement inscrits). Au-delà de ces données
préliminaires encourageantes, un essai randomisé est nécessaire pour confirmer
l’activité antitumorale et l’utilité du test PD-L1. Le laboratoire Genentech
conduit d'autres études de combinaison avec d’autres thérapies anti-cancéreuses
(avec le vemurafenib – Zelboraf © – chez certains patients atteints de mélanome
avancé7 et avec le bevacizumab – Avastin © – avec ou sans chimiothérapie dans
des tumeurs solides avancés) et en monothérapie face à des cancers du poumon
non à petites cellules PD-L1 positif localement avancés ou métastasés8.
"Le fait
que ce médicament soit actif dans une telle variété de tumeurs suggère que
PD-L1 fait partie d'un mécanisme immunitaire universel ou important. Au cours
des prochaines années, des médicaments qui ciblent et aident à activer et
diriger le système immunitaire vont probablement jouer un rôle croissant, et il
est particulièrement intéressant de voir de tels effets chez des patients dont
le cancer a progressé malgré toutes les autres thérapies standards", a déclaré
le Pr Clifford A. Hudis, futur président de l’ASCO. Rappelons cependant que ces
résultats encourageants restent préliminaires, ils devront être confirmés par
d'autres études.